______________________ Avec le développement des NTIC la question se pose. découvrez en d'avantage sur le profil de ce type d'individu avec l'article suivant.
L'individu hyper-moderne
Quand la société de consommation fabrique un nouvel individu, quand le progrès fait reculer l'humanité de chacun.
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Les spécialistes de différentes disciplines [1] commencent à s'intéresser à un ensemble de comportements nouveaux : Nicole Aubert [2] qualifie l'individu (..)d'hypermoderne (du préfixe hyper signifiant excès de). On s'intéresse ici à la description de cet individu et à sa construction dans un milieu donné.
Posons le contexte d'apparition :
Nicole Aubert situe l'émergence de ce type de personnalité au cours des années 1970. La société, parlons des pays riches principalement, est en pleine croissance économique. Les moeurs connaissent une émancipation avec le culte de la liberté sur tous les registres : sexuelle, de penser. On assiste au développement de l'économie de marché [3] avec le culte de la consommation et enfin celui des nouvelles technologies de communications de transports...tout va de plus en plus vite. On a presque plus besoin de sortir de chez soi pour vivre. Notre économie dite de marché, victime de son succès, demande alors toujours plus : toujours plus de performance et de compétitivité.
Ces notions impliquent toujours plus de flexibilité de la part des entreprises et autres intervenants sociaux pour pouvoir s'adapter à tout moment à la demande du marché. Ce qui induit la notion de changement permanent (en tout cas l'individu s'il ne change pas tout le temps a cette idée à l'esprit). Dans cette société très actuelle, il nous faut donc nous adapter pour rester dans le train de la modernité, en étant toujours plus performant, plus compétitif, en tout cas dans le paraître. Il faut être conforme au groupe des hyper tout en étant meilleur sinon c'est la sanction immédiate : le rejet du groupe et donc du système de consommation. Deux notions me paraissent importantes à exposer : la notion de performance et celle de temporalité.
L'individu hypermoderne dans son rapport au temps :
Le rapport au temps est différent des autres périodes de notre histoire et d'autres types de société. L'hypermoderne vit dans l'instant, le présent voire toujours dans une certaine urgence. Le proverbe : "Ne jamais remettre au lendemain..." s'applique donc pleinement ici. Les procrastinateurs [4] ne risquent donc pas d'être tout à fait conformes aux exigences du maintenant.
Ce rapport au temps pose la question de la relation à l'autre (société malade de ses liens). La construction de liens [5] implique du temps. Les sentiments se nourrissent d'une histoire, de souvenirs et de promesses. L'hypermoderne ne vit alors que de sensations et pratique les rencontres brèves et interchangeables (on pourrait aller jusqu'à la notion de consommation de l'autre plutôt que de partage dans une construction réciproque). L'autre apparaîtrait comme objet de satisfaction d'un plaisir et non dans une dynamique d'échange. Ainsi les liens sont superficiels. On note dans les statistiques que les divorces sont très fréquents.
Souvent l'ennui et l'installation du quotidien deviennent insupportables : il faut toujours être dans la magie des débuts, vivre dans la nouveauté et ne surtout pas avoir le sentiment que les années passent. Cela implique des structures familiales plus fragiles car même dans sa vie de famille il faut être toujours plus performant, innover sans cesse...
Vivre dans l'instant change le rapport de notre société à la mort, au début de la vie et au vieillissement bref tout ce qui implique une notion de temporalité. La mort n'a jamais été aussi tabou. On la fuit absolument, elle est de plus en plus défiée au travers de conduites à risques. Avec les avancées de la science, on meurt de plus en plus à l'hôpital. La mort est de plus en plus instrumentalisée : ce qui n'est pas sans conséquence. Le vieillissement est également tabou car il nous renvoie à notre propre finitude. La société impose la performance, c'est à dire être toujours jeune, beau, gommer absolument les marques du temps (les rides). Une dame raconte dans un reportage sur la magazine de la santé (France5) pourquoi elle ne gommerait jamais ses rides : son visage vieillissant lui raconte son histoire.
La notion de performance s'imbrique dans celle de temporalité
L'identité se construit autour de la performance. Il est valorisé dans notre société de travailler toujours plus : Par exemple, on construit un tas de structures pour la petite enfance, on s'intéresse à la formation des assistantes maternelles, ce qui est positif. Mais à côté de cela, la société en tout cas en France, donne-t-elle les moyens aux mères le désirant de prendre le temps de voir grandir leurs enfants ? (en leur donnant plus de moyens financiers, en combattant la discrimination professionnelle ?).
Prenons un autre exemple celui de l'allaitement maternel : cela demande du temps, de la disponibilité, du repos et des informations. La France est l'un des pays où la femme allaite le moins à la sortie de la maternité. L'allaitement bien que très valorisé par les professionnels de l'enfance, l'est beaucoup moins par la société (implicitement bien sur). La reprise du travail intervient en moyenne 10 semaines après l'accouchement. Et ne parlons pas du culte du corps véhiculé partout avec l'idée que l'allaitement va abîmer la poitrine... Prendre le temps avec son enfant peut vouloir dire perdre sa place car performance et immédiateté rentrent en contradiction...
L'enfant, pour grandir a besoin de temps et de ses parents dans le temps. Du temps pour se construire, mais les parents sous pression ont tendance à demander toujours plus de performance aux enfants. L'enfant ne va-t-il pas avoir du mal à se construire dans un monde qui bouge trop vite, où le cadre familial et les limites imposées sont souvent trop flous, où le maître mot est la compétition.
Où est la place pour la différence pour l'autre et pour soi ? L'individualisme a pris le pas sur la solidarité. La canicule de l'été 2003 n'est elle pas un bon exemple : nos personnes âgées ne sont elles pas mortes en fin de compte des conséquences de leur solitude ? L'homme hypermoderne est devenu esclave des technologies. Elles sont utilisées comme une fin et non plus comme un moyen : posséder toujours plus, être dans la satisfaction immédiate, avec une intolérance à la frustration. Bel exemple pour les enfants à qui il serait important d'apprendre à différer une satisfaction afin de donner du sens à un projet
La quête du sens : la mise en mot, la pensée...la société souffre de ne plus avoir de sens. Concernant les pathologies, le regard est également différent concernant leur traitement. Les thérapies par un reconditionnement du comportement sont très à la mode : la mise en sens, le traitement par le lien est largement pointé du doigt : il est souvent jugé peu efficace car les résultats ne sont pas assez rapides... Même dans l'approche thérapeutique, on retrouve une notion d'immédiateté et d'intolérance à la frustration (cf. Jacqueline Barus-Michel). D'après cette psychosociologue, seule l'éducation peut réapprendre à l'homme à retrouver sa capacité pensante : celle qui nous permettra de rompre les chaînes de notre esclavage à la consommation. Développer dès la maternelle le plaisir du "pourquoi", le plaisir de penser, de se raconter le monde.
L'individu hypermoderne se caractérise donc par :
- une façon de vivre et de se comporter par excès
- un impératif de jouissance : loi du désir, toujours plus
- les sensations priment sur la recherche de sens
- l'image remplace la pensée
- la satisfaction immédiate
- la transgression des lois est banalisée : "pas vu, pas pris"
- l'appauvrissement des rapports sociaux
- Un mode de fonctionnement psychique privilégiant les actions et les somatisations.
Emergence de nouveaux types de pathologies : les pathologies de l'individu hypermoderne
Les toxicomanes de l'action : ce sont des personnes qui sont toujours en train de faire quelque chose avec des agendas pleins qui ne doivent pas se vider. Le traitement consiste à apprendre à ne pas toujours faire quelque chose comme par exemple d'être capable de rêvasser en regardant les nuages.
L'ensemble de pathologie addictives : comme d'être dépendant de substances dangereuses car grâce à elles, l'individu est de plus en plus performant, plus créatif et moins fatigué.
Les syndromes anxieux, l'obligation de réussite (dictée par la société) est inscrite dans les inconscients, ce qui peut générer des angoisses de l'échec, des craintes de ne pas être à la hauteur.
Les dépressions notamment celle d'épuisement ayant comme symptôme dominant le ralentissement psychomoteur (cela jure dans un monde trop rapide), une immense fatigue.
On peut se demander, au regard de ce nouveau concept d'individu hypermoderne, si le trouble du comportement "hikikomori" ne rentrerait pas lui aussi dans ces pathologies spécifiques. " La personne hikikomori aimerait arreter le temps qui passe" (cf. antithesis). Je cite un ensemble de pathologies au regard d'un phénoméne social, mais il ne faut pas oublier l'individualité de chaque personne souffrante. La société éclaire, influence mais n'explique pas tout et il faut donc faire attention aux conclusions trop hâtives : on a pas attendu notre type de société pour se droguer ou déprimer.
Ce nouveau concept va suciter chez vous lecteurs beaucoup d'intérêt et de curiosité parce qu'il parle un peu de nous : cela fait peur !! Il ne faut pas conclure cette lecture sur le fait que l'ultra modernité rend dépendant, et non pensant ! ce qu'il faut retenir à mon sens est qu'il ne faut pas oublier d'être intélligent c'est à dire de savoir utiliser notre technologie comme un moyen de mieux vivre et non pas comme une fin, ce qui fait de nous des esclaves.
Pour en savoir plus : le magazine sciences de l'homme et sociétés de mars 2005 et "l'individu hypermoderne" sous la direction de Nicole Aubert, 2004.
[1] disciplines : sociologie, psychologie, économie, politologie
[2] Nicole Aubert : sociologue, psychologue, dirige l'ouvrage "l'Individu Hypermoderne, Eres, 2004
[3] économie de marché : où opère la loi de l'offre et la demande
[4] la procrastination : Attitude consistant à repousser jusqu'au dernier moment un acte prévu depuis longtemps. Les personnes agissant ainsi sont appelées les procrastinateurs
[5] la construction de liens : entrer en relation avec l'autre
Dans la rubrique :
par Céline Chemla (05/07/2006) - 1774 mots
Mieux comprendre la
psychologie